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Clauses pénales et appréciation du préjudice subi par l’acheteur public.

vendredi, 15 septembre 2017 09:51

Les pénalités de retard sont avant tout un moyen coercitif, au bénéfice du maître d’ouvrage public, pour assurer au marché son exécution dans les temps contractuellement prévus. Cette notion juridique est donc à dissocier du préjudice subi (ou non) par la personne publique (CE, 19 juillet 2017, req. n° 392707, Société GBR).

Sauf cas de force majeure ou autre cause exonératoire, du type carence de l’Administration, les retards d’exécution impliquent en principe une automaticité des pénalités de retard dont souffrira l’entreprise titulaire du contrat (par ailleurs, en cas de retard sur un délai partiel du marché, et si le délai global est respecté, encore faut-il pour éviter l’application de la clause pénale que le retard partiel n’ait pas eu lui-même d’impact sur l’ensemble de l’opération).

En matière de marchés publics de travaux par exemple, l’article 20 du CCAG Travaux de 2009 stipule ainsi que les pénalités sont encourues – et dues au maître d’ouvrage – « du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre ».

En pratique, des pénalités provisoires seront appliquées au gré des différents états d’acomptes, et l’entreprise peut subir une « secousse finale » telle que son décompte général et définitif peut aboutir à un solde négatif (attention à ne pas noircir non plus le tableau, car inversement, les marchés publics prévoient parfois des primes à la bonne exécution…).

Il est important de rappeler à ce stade que l’article 20 du CCAG Travaux 2009 ne prévoit pas que soient plafonnées les pénalités de retard

Quelles sont alors les marges de contestation dont le titulaire dispose ?

Inutile de revenir sur ce que nous avons déjà écrit sur ces lignes, à savoir la possibilité pour le juge administratif de modérer des pénalités de retard manifestement excessives, voire de les revaloriser si elles sont dérisoires (CE, 29 décembre 2008, req. n° 296930, OPHLM de Puteaux).

En revanche, la jurisprudence fixe une nouveauté intéressante : l’entreprise ne peut pas soutenir que la personne publique n’aurait subi de facto aucun préjudice pour faire échec aux pénalités (ou prétendre que le préjudice serait moindre pour tenter de les faire baisser) (CE, 19 juillet 2017, req. n° 392707, Société GBR).

Voici le considérant du Conseil d’Etat :

« Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge ; qu'il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; qu'au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif »

Confirmant ainsi la primauté du contrat, le raisonnement est donc binaire :

  • soit la clause pénale s’applique sans examen du préjudice subi par l’acheteur public du fait des retards ;
  • soit, effectivement, les pénalités seraient démesurées, auquel cas la discussion aux fins de les modérer doit, non pas porter sur un comparatif avec l’impact financier pour le maître d’ouvrage, mais uniquement sur le quantum des pénalités.

Utilement, la Haute Juridiction précise que les éléments d’un tel débat tourneront notamment autour des « pratiques observées pour des marchés comparables ».

Une question en suspens : quelle attitude doit adopter un maître d’ouvrage qui estimerait que les pénalités seraient trop faibles par rapport à son préjudice ? Renoncer à la clause pénale au prix d’un long contentieux ?

La suite au prochain épisode, mais attention, il faut veiller à correctement chiffrer les pénalités journalières de retard dans le contrat pour anticiper un tel dilemme…

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