"In house" ou quasi-régie: précisions à propos des sociétés publiques locales
Dans un arrêt du 18 juillet 2016, la Cour administrative d'appel de BORDEAUX apporte une précision sur l'application de l'exception dite de "in house" aux sociétés publiques locales (plus communément, "SPL"): la condition de contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services, permettant d'écarter les obligations de mise en concurrence, s'apprécie uniquement au regard des conditions de participation à la SPL de la collectivité en question, et non à l'égard de l'ensemble des actionnaires publics (CAA BORDEAUX, 18 juillet 2016, req. n°15BX00314, SPL Pompes funèbres des communes associées - Aunis). Explications.
En vertu des dispositions de l'article L.1531-1 du CGCT, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont plus contraints par le schéma de la société d'économie mixte pour constituer des structures leur permettant de faciliter le recours au droit privé, et surtout pour leur attribuer sans mise en concurrence des opérations d'aménagement ou de construction, ou des missions de service public à caractère industriel et commercial, ou encore toutes autres activités d'intérêt général.
Ces SPL, dont l'actionnariat est totalement public, doivent exclusivement exercer leurs activités pour le compte de leurs membres publics. Et si la personne publique actionnaire de la SPL exerce sur cette dernière un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, alors dans ce cas l'attribution de cette mission à la SPL ne sera pas soumise à une quelconque obligation de publicité et de mise en concurrence.
C'est ainsi que, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, l'article L.1411-12 du CGCT précisait à propos des délégations de services publics qu'il n'y avait pas de telles obligations de publicité et de mise en concurrence "lorsque ce service est confié à un établissement public ou à une société publique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l'essentiel de leurs activités pour elle ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui contrôlent la société, à condition que l'activité déléguée figure expressément dans les statuts de l'établissement ou de la société" (l'arrêt est rendu pour une opération antérieure à ladite ordonnance, mais selon nous, le raisonnement resterait le même avec l'article 16 du nouveau texte sur la quasi-régie).
En l'espèce, la juridiction administrative était saisie de la délibération de la Commune de LA ROCHELLE décidant de la création (et de sa participation) à une SPL de pompes funèbres et de l'approbation de ses statuts, et d'une autre de ses délibérations décidant de la délégation du service de pompes funèbres nouvellement créé à cette même SPL sans mise en concurrence.
Une société a fait un recours.
Eu égard à l'omniprésence de la Commune de LA ROCHELLE dans le fonctionnement de la SPL, l'argument de la requérante consistait à soutenir qu'en l'absence de possibilité pour les autres actionnaires publics d'exercer une réelle influence sur le fonctionnement de la structure, les autres communes ne pouvaient donc exercer sur la SPL un contrôle analogue à celui exercé sur leurs propres services et, ainsi, l'exception "in house" permettant l'absence de mise en concurrence de la SPL ne pouvait régulièrement avoir été utilisée.
L'argument n'était pas du tout idiot lorsque l'on sait que la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé que "si, en cas de recours de plusieurs autorités publiques à une entité commune aux fins d'accomplissement d'une mission commune de service public, il n'est, certes, pas indispensable que chacune de ces autorités détienne, à elle seule, un pouvoir de contrôle individuel sur cette entité, il n'en demeure pas moins que le contrôle exercé sur celle-ci ne saurait reposer sur le seul pouvoir de contrôle de l'autorité publique détenant une participation majoritaire dans le capital de l'entité concernée et ce, sous peine de vider de son sens la notion même de contrôle conjoint" (CJUE, 29 novembre 2012, aff. C-182/11 et C-183/11, ECONORD Spa).
La Cour voit les choses un peu différemment, puisqu'elle juge que: "Si la société X soutient que l'insuffisance de représentation des actionnaires minoritaires ne permettait pas à la commune de La Rochelle d'exercer sur la société publique locale un contrôle comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services, il résulte de l'instruction que la commune dispose de la quasi-totalité du capital social et a le pouvoir de désigner tant les membres du conseil d'administration que le directeur général ; elle exerce ainsi sur la société publique locale, pour son compte et celui des autres actionnaires, un contrôle comparable à celui exercé sur ses propres services".
On doit donc en tirer comme conclusion que la condition de contrôle analogue n'a pas vocation à être appréciée à l'égard de l'ensemble des actionnaires publics, mais au cas par cas, actionnaire par actionnaire.
Cela nous conduit donc - et nous le regrettons en termes de pédagogie sur la compréhension du principe - à considérer que si la Cour avait été saisie de la même question à propos d'une des communes très minoritaires, elle aurait donc pris une conclusion inverse... (voir d'ailleurs, CE, 6 novembre 2013, req. n°365079, Commune de MARSANNAY-LA-COTE). Difficile à comprendre, mais ce sont les joies du droit administratif (en effet, dans cette affaire, la Cour administrative d'appel de BORDEAUX ne pouvait pas s'auto-saisir des délibérations des autres communes actionnaires!).